CéRéMONIE DE REMISE OFFICIELLE DE L’AVANT-PROJET DE CODE DE PROCéDURE PéNALE : L’INTéGRALITé DU DISCOURS DE M OUSSEINI DJIBAGE MAMAN SANI, PRéSIDENT DU COMITé NATIONAL CHARGé DE LA RELECTURE ET DE L’ADAPTATION DU CODE PéNAL ET DU CODE DE PROCéDURE PéNALE

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Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, M. Alio Daouda, a réceptionné hier matin à Niamey des mains du Président du Comité national chargé de la révision et de l’adaptation du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale, M. Ousseini Djibage Maman Sani, l’avant-projet du Code de procédure pénale. Ce document, une fois approuvé, vise notamment à simplifier les procédures, à garantir l’équité et à renforcer la confiance des citoyens dans le système judiciaire pénal. La cérémonie s’est déroulée en présence des membres du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), du président de la Cour d’Etat, des représentants du corps diplomatique et des organisations internationales. (Lire ci-dessous l’intégralité du discours M Ousseini Djibage Maman Sani, président du Comité national chargé de la relecture et de l’adaptation du Code pénal et du Code de procédure pénale, a l’occasion de la cérémonie de remise officielle de l’avant-projet de Code de procédure pénale)

M. les membres du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie ;

M. le Président de la Cour d’Etat ;

M. les Membres du Gouvernement ;

M. le Procureur Général près la Cour d’Etat ;

Mesdames et messieurs les représentants du Corps diplomatique et des Organisations Internationales ;

Messieurs les Responsables des FDS ;

Mesdames et messieurs les membres du Comité ;

Mesdames et messieurs les responsables des OSC ;

Mesdames et messieurs en vos grades titres et qualités ;

Mesdames et Messieurs,

C’est avec une immense fierté que je me tiens devant vous aujourd’hui pour célébrer un moment crucial dans l’histoire judiciaire de notre pays à savoir la remise officielle de l’avant-Projet de Code de procédure pénale du Niger. Permettez-moi à l’entame de mon propos, de rappeler que le Ministre de la Justice a créé un Comité national chargé de la relecture et de l’adaptation du Code pénal et du Code de procédure pénale avec comme mission de :

– relever toute incohérence ou inadaptation contenues dans ces textes et d’y remédier;

– corriger toutes les fautes grammaticales, d’orthographe ou de style y contenues ;

– procéder à l’agencement interne des articles ;

– intégrer toutes les modifications contenues dans des lois éparses ;

– intégrer les dispositions pertinentes des instruments juridiques internationaux, régionaux et sous-régionaux auxquels le Niger est partie ;

– et proposer toute modification utile.

Ce Comité pluridisciplinaire, était composé des représentants de la Présidence de la République, de l’Assemblée Nationale, de la Primature, de la Commission Nationale des Droits Humains , de l’Administration centrale du ministère de la justice, des magistrats des cours et tribunaux, des représentants des syndicats des magistrats et des agents de la justice, des représentants des ministères chargés de l’intérieur, de la défense nationale, de la promotion de la femme et protection de l’enfant, des représentants des officiers de police judiciaire, des avocats, des notaires, des huissiers de justice, de la presse publique et privée, des organisations de la société civile, de la chefferie traditionnelle et des enseignants chercheurs. Il pouvait outre ces membres, faire appel à toute personne dont la contribution est utile au bon accomplissement de sa mission.

Mesdames et Messieurs,

Le code pénal et le code de procédure pénale objet de notre mission, ont été institués respectivement par la loi n° 61-27 du 15 juillet 1961 et la loi n° 61- 33 du 14 août 1961. En réalité le législateur nigérien de l’époque s’était contenté de reconduire presque intégralement des textes coloniaux adoptés sous le règne du monarque français Napoléon Bonaparte, notamment le Code d’Instruction Criminelle de 1807 et le Code Pénal de 1810.

Depuis plus de 60 ans, ce sont ces textes qui régissent le droit pénal et la procédure pénale au Niger. Une loi étant le reflet des aspirations d’une société donnée à un moment donné, il importe de relever qu’après plus d’un demi-siècle de mise en oeuvre, nos codes sont devenus archaïques, anachroniques et rétrogrades. Malgré les quelques modifications mineures éparses intervenues, ces textes demeurent inadaptés aux besoins actuels de justice et surtout à nos réalités économiques, sociales et culturelles.

Mesdames et messieurs ;

Dès son installation notre Comité s’est mis au travail en adoptant un règlement intérieur nécessaire à son bon fonctionnement. Après plusieurs mois de travail acharné, de consultations approfondies et de délibérations minutieuses, nous avons abouti d’abord à l’élaboration d’un avant-projet de code pénal conforme aux légitimes aspirations de nos concitoyens. Ce document qui est passé de 408 à 609 articles, a été officiellement remis au Ministre de la Justice il y a quelques temps. Il est actuellement pendant au Secrétariat Général du Gouvernement. Cet avant-projet de Code pénal contient des dispositions novatrices dont les plus attendues par les Nigériens concernent l’incrimination de l’homosexualité, la protection des biens publics, la lutte contre le terrorisme.

Après la remise de l’avant-projet de Code Pénal, le Comité a poursuivi sa mission avec l’examen du Code de Procédure Pénale. Le moment est venu aujourd’hui de remettre à qui de droit le fruit de nos réflexions. Cet avant-projet de Code de Procédure Pénale, élaboré selon un processus inclusif et participatif, en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes, représente un pas significatif vers une justice plus efficace, transparente et équitable. Il comporte plusieurs innovations tant dans la forme que dans le fond.

Le code de procédure pénale actuellement en vigueur comprend 5 livres, 35 titres, 45 chapitres, 58 sections et 741 articles. Le document que nous proposons compte quant à lui 5 livres, 40 titres, 52 chapitres, 52 sections et 919 articles. En comparant ces chiffres, on constate que l’avant-projet a 5 titres, 7 chapitres et 178 articles de plus le code actuel.

Cet avant-projet de code obéit aussi à une nouvelle numérotation chronologique permettant une meilleure maitrise de ses dispositions. Plusieurs titres, chapitres, sections et articles ont soit été supprimés, soit reformulés, déplacés ou ajoutés.

Mesdames et messieurs ;

Il me plait à présent de vous décliner quelques axes de la réforme qui me paraissent importants :

Sur la modernisation et la simplification des procédures :

Le nouveau code s’il est adopté, simplifie les procédures judiciaires, réduit les délais et renforce la protection des droits des personnes gardées à vue, inculpées, prévenues, accusés et condamnées. Il tient compte des réalités actuelles et des défis auxquels notre système judiciaire est confronté.

Sur la protection des victimes :

Il est accordé une attention particulière aux victimes d’infractions en renforçant la garantie de leur participation active au processus judiciaire et en prévoyant des mécanismes pour assurer leur réparation.

Sur l’indépendance judiciaire :

Des mesures sont prévues pour protéger l’indépendance des magistrats et prévenir toute ingérence politique ou autres dans les affaires judiciaires. Une justice impartiale est en effet essentielle pour gagner la confiance du public.

Sur les alternatives à la détention :

Le nouveau code s’il est adopté promeut le recours à des mesures alternatives à la détention provisoire ou après une condamnation, afin de réduire la surpopulation carcérale et de respecter les droits fondamentaux.

Mesdames et messieurs ;

Sans entrer dans les détails, on peut parmi les principales innovations retenir au stade de l’enquête :

– 1. L’institution d’un délai imparti au procureur de la République pour donner suite à une plainte ou dénonciation et l’obligation qui lui incombe en cas de classement sans suite, de notifier au plaignant un avis motivé et les voies de recours, dans le délai imparti ;

– 2. Le droit donné au procureur de la République de rendre publics, des éléments objectifs tirés d’une procédure afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes, ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie mais à la condition qu’il ne porte aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ;

– 3. Le droit du ministre chargé de la justice, Chef du ministère public de dénoncer aux procureurs généraux les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, leur enjoindre par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge opportunes. Il ne peut cependant leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles ni leur donner des instructions contraires à la loi ;

– 4. La fixation de la durée d’une enquête préliminaire à deux (02) ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance sauf prolongation d’une durée d’un an par décision écrite et motivée du procureur de la République ;

– 5. Le renforcement de la protection des biens publics notamment en permettant au ministère public d’ordonner l’inventaire et le placement sous séquestre au greffe de la juridiction compétente jusqu’à décision définitive, les biens appartenant aux personnes poursuivies pour détournement ou dissipation des biens publics ;

– 6. L’institution des cas limitatifs pouvant donner lieu à une mesure de garde à vue ainsi que l’exigence sous peine de nullité de la procédure d’un certificat médical au moment du déféremment du suspect, attestant qu’il n’a pas subi de torture, et la notification du droit à un conseil dès l’interpellation ;

Parmi les principales réformes proposées au stade de l’instruction des dossiers on peut citer :

– 1. L’institution de la co-instruction par la designation de deux ou plusieurs juges d’instruction pour instrumenter dans une meme affaire lorsqu’elle est complexe ou sensible ;

– 2. La fixation du montant de la consignation en cas de plainte avec constitution de partie civile, à cent mille (100.000) francs CFA maximum payable dans un délai de 2 mois au plus ;

– 3. En matière de détention provisoire, il est prévu que le juge d’instruction ne peut decerner mandat de depot qu’en cas d’impossibilité de placer l’inculpé sous controle judiciaire qui est une nouvelle mesure ; il ne peut en aucun cas placer sous mandat de depot pour certaines infractions mineures bien determineés;

– 4. Il est prévu également en cas de placement en detention provisoire, que l’ordonnance de placement ainsi que celle de sa prolongation sont susceptibles d’appel du procureur et aussi de l’inculpé ;

– 5. Le magistrat instructeur qui omet sciemment selon les cas, de renouveler un mandat de dépot arrivé à expiration ou de mettre en liberté l’inculpé, encourt des sanctions disciplinaires voire pénales ;

– 6. La gestion des requetes d’indemnisation pour raison d’une détention provisoire a été rendue facile en attribuant la compétence aux cours d’appels en lieu et place de la Cour d’Etat ;

Au titre des innovations majeures proposées au niveau des juridictions de jugement, des mesures concourant à la réduction de la lenteur observée avant jugement, ont été introduites. On peut relever notamment la transformation des chambres criminelles qui ne se réunissent actuellement qu’en sessions périodiques, en chambres permanentes ordinaires et la suppression des jurés dont la présence alourdit inutilement la procédure. Il faut préciser aussi que le Parquet sera désormais enfermé dans un délai précis pour programmer les dossiers prêts à être jugés tant en matière criminelle que correctionnelle. Dans le code actuel le parquet est libre de programmer la date de jugement d’un dossier à sa discrétion.

Des dispositions ont également été prévues pour limiter les renvois des audiences sources de lenteur excessive. Ainsi lorsqu’un dossier comportant une ou plusieurs personnes détenues n’a pu être jugé à la première audience devant une juridiction de jugement du premier degré, tous renvois éventuels quel qu’en soit le motif, ne peuvent excéder six (06) mois cumulés en cas de délit et douze (12) mois en cas de crime, à partir de la première audience et ce, quel que soit le lieu de résidence des prévenu, accusé, témoin ou partie civile. Les citations à comparaitre et les convocations peuvent désormais se faire par tout moyen de communication laissant trace écrite.

Enfin pour assurer plus de célérité dans le jugement et remédier à l’encombrement, l’avant-projet du code de procédure pénale a prévu un nouveau mode de saisine du tribunal correctionnel à savoir la procédure de convocation par procès-verbal d’officier de police judiciaire.

Sur un autre point relatif à l’exercice des voies de recours extraordinaires, une des principales nouveautés réside dans la compétence désormais reconnue au président de la chambre judiciaire de la Cour d’Etat de rendre une ordonnance de non admission à l’examen d’un pourvoi manifestement irrecevable pour non-respect de la forme ou du délai ou pour défaut de mémoire ou absence de moyen de droit à soulever d’office. Cette disposition contribuera à désengorger la haute juridiction des nombreux dossiers de recours manifestement irrecevables.

Mesdames et messieurs ;

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, le financement du terrorisme, la criminalité transnationale organisée et la délinquance économique et financière, notre Comité propose de mettre fin à la compétence nationale exclusive du TGI/HC de Niamey qui a montré ses limites. Nous avons prévu que chacun des 8 tribunaux de grande instance situés dans les chefs-lieux des régions, disposera d’une chambre ordinaire compétente en matière de lutte contre le terrorisme, le financement du terrorisme et la criminalité transnationale organisée et d’une chambre ordinaire en matière de lutte contre la délinquance économique et financière.

Une autre innovation concerne le privilège de juridiction dont jouissent certaines personnalités. La compétence est désormais attribuée aux chambres d’accusation des cours d’appel au lieu de la Cour d’Etat. Cela permettra de faire bénéficier aux personnes poursuivies du principe de double degré de juridiction et surtout permettra à la Cour d’Etat de se concentrer sur son rôle traditionnel de juridiction de droit et non de fait.

Les modalités de comparution comme témoins des membres du Gouvernement ont été précisés. Ainsi ils ne peuvent être entendus comme témoins qu’après autorisation par décret du Président de la République, à la requête du magistrat chargé du dossier, immédiatement transmise par le ministre de la justice.

Concernant l’exécution de la détention, il a été prévu des mesures visant à renforcer le suivi par les magistrats de la légalité de leurs décisions de privation de liberté. L’obligation faite pour eux de visiter les lieux de détention des personnes dont ils ont les dossiers en charge, est renforcée en ce que désormais, l’inobservation est assortie de sanctions pénales et/ou disciplinaires. Des mesures ont également été prévues pour assurer une meilleure protection des personnes vulnérables à savoir les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes âgées, les personnes handicapées qui doivent bénéficier des mesures d’aménagement de leur peine au cours de leur détention.

Les conditions de la libération conditionnelle ont été assouplies pour permettre le désengorgement des établissements pénitentiaires.

Une autre innovation concerne le casier judiciaire qui a fait l’objet d’une profonde refonte en vue de répondre aux préoccupations constantes des usagers du service public de la justice. Il a ainsi été créé un casier judiciaire central informatisé qui concernera aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. Il sera alors désormais possible de faire sa demande de bulletin de casier judiciaire auprès de n’importe quelle juridiction et surtout il n’y aura aucun risque de délivrer à un repris de justice un bulletin de casier judiciaire vierge.

Mesdames et messieurs ;

Ce ne sont là que quelques innovations contenues dans l’avant-projet du Code de procédure pénale qui compte 919 articles comme je l’ai déjà dit. Son adoption, jointe à celle de l’avant-projet de Code pénal, permettront sans doute d’assurer un meilleur cadre général dans le traitement des affaires pénales et de renforcer la protection des droits humains, la protection des biens publics, la lutte contre l’impunité, la lutte contre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme. Le cadre juridique et judiciaire ainsi amélioré assurera en outre, la réduction considérable de la population carcérale dont l’entretien devient de plus en plus onéreux pour l’Etat. Il permettra enfin à notre pays de se conformer aux exigences des instruments communautaires et internationaux auxquels il a volontairement souscrit.

L’importance du Code pénal et du code de procédure pénale est d’autant plus grande que ce sont ces 2 textes qui fixeront le sort de la vie, de la liberté, de la dignité et du patrimoine de toute personne poursuivie pour une infraction pénale.

En tant que Président du Comité, je salue le travail et l’engagement de tous les membres et personnes ressources du Comité qui n’ont ménagé aucun effort pour la réussite de notre mission. Nos débats étaient houleux voire passionnées par moment mais constructifs car nous sommes toujours parvenus à nous accorder en mettant en avant l’intérêt de notre pays.

Je remercie également tous les acteurs étatiques et non étatiques qui nous ont apporté leurs appuis techniques ou matériels dans cette réforme notamment les ministères sectoriels, les organisations de la société civile, les organisations internationales pour ne citer que ceux-ci. Nous sommes profondément convaincus que l’adoption de ces textes contribuera à la refondation de notre cher pays dans la lutte pour l’affirmation de sa souveraineté dans toutes ses formes.

J’exprime enfin au nom du Comité, toute notre gratitude au Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux pour son engagement sans faille à soutenir cette réforme auprès des plus hautes du pays et pour sa détermination à faire de notre système judiciaire, un système garantissant l’équité, la célérité, l’impartialité et la protection des droits de tous les citoyens.

Merci de votre aimable attention

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