TOGO : POURQUOI FAURE GNASSINGBé SORT RENFORCé DES éLECTIONS LéGISLATIVES ?

Les résultats du double scrutin du 29 avril 2024 au Togo sont désormais connus. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a annoncé les résultats provisoires des élections législatives et régionales donnant largement vainqueur le parti Union pour la République (Unir), le parti au pouvoir depuis 2005. Ce qui devrait permettre à l'actuel président et chef du parti de rester au pouvoir en vertu de la nouvelle Constitution, adoptée en avril.

Aux législatives, le parti s'en sort avec un score de 95,57 % des voix, soit 108 sièges au Parlement, contre 5 pour l'ensemble de l'opposition. La participation a été de 61 %. « Ces élections se sont déroulées conformément aux dispositions du Code électoral en ses articles 201 et 234, qui disposent respectivement que les députés sont élus au suffrage de listes bloquées à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, et les conseillers régionaux sont élus au suffrage de listes bloquées à la représentation proportionnelle au plus fort reste », a rappelé, Dago Yabré, le président de l'institution chargée des élections. Ainsi, aux régionales, le parti de Faure Gnassingbé l'emporte également avec un score de 137 conseillers régionaux élus sur 179. Ces résultats, qui doivent encore être confirmés par la Cour constitutionnelle constituent un triomphe pour le parti du président.

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Une élection émaillée « d'irrégularité » ?

Alors que le double scrutin s'est déroulé dans le calme, l'opposition qui a participé à ces élections dénonce de nombreuses irrégularités. C'est le cas par exemple de Jean-Joël Kissi qui soulève un problème technique dans sa circonscription. « Dans le bureau de vote B, il y a le bulletin de vote qui est normal. Dans le bureau de vote A, il y a le bulletin, mais il n'y a pas mon logo. Je ne suis pas sur la liste et ce dans une même préfecture », a-t-il déploré, qualifiant cet acte « d'assez grave » pour une élection. Lui aussi dénonce, comme un large éventail de membres de l'opposition, un bourrage d'urnes. « C'est terrible ce qui s'est passé. Les gens vont dans les bureaux de vote, on leur donne 3 ou 4 bulletins en même temps, quand les délégués protestent, on leur dit qu'ils n'ont pas le droit de parler », s'indigne s'indigne l'ex-député et ancien membre du Comité d'action pour le renouveau (CAR). « Ce qui fait peur, ce n'est pas la fraude par les fenêtres. La personne vient et dit qu'il veut mettre les bulletins dans l'urne parce que ce sont eux qui dirigent les bureaux de vote. »

À en croire la coordinatrice de la Dynamique pour la majorité du peuple, les votes par dérogation ont connu un bond qui interroge. « Des gens ont été convoyés de l'intérieur du pays pour venir voter par dérogation à Lomé, alors qu'ils ne remplissaient pas les conditions », a déclaré Brigitte Adjamagbo Johnson, affirmant que l'un des délégués qui a voulu protester contre la pratique a manqué d'être amené au poste de police. « Il y a eu beaucoup de bourrage d'urnes partout. Et nous-même dans le golfe et plus précisément aux environs du centre Aflao Gakli, nous avons traqué cette man?uvre de bourrage. On voulait remplacer une urne pour introduire une autre bourrée et nous avons posté des gens qui ont finalement empêché la man?uvre », témoigne Brigitte Adjamagbo Johnson.

Au niveau des Forces démocratiques pour le renouveau, on déplore la même situation de bourrage d'urnes. Selon Me Dodji Apévon, déjà à 6 h 30, où les bureaux de vote n'étaient pas encore ouverts, le délégué de son parti a constaté que l'urne était remplie au 2/3. L'explication : c'est le chef du village qui a autorisé ces votes anticipés parce que les habitants devaient se rendre au plus tôt dans leurs champs. Ils ont donc voté en l'absence de tout témoin.

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Score soviétique et Constitution sur-mesure

Pour la majorité au pouvoir, la percée fulgurante du parti Unir n'est pas le fruit du hasard. Elle invite ceux qui pensent qu'il y a eu des fraudes à saisir la Cour constitutionnelle. « Même à Lomé, l'Unir a fait le score le meilleur score de son histoire. Est-ce à dire que Lomé qui a été perçues pendant longtemps comme étant le fief de l'opposition a connu aussi des fraudes ? » s'interroge Pascal Bodjona, conseiller politique de Faure Gnassingbé. « Je pense que le résultat du parti Unir est dû au fruit d'un travail constant, d'une occupation du terrain et certainement que les populations ont été charmées par les actions des députés et conseillers régionaux sur le long terme », a-t-il soutenu.

Ces scores "soviétiques" viennent renforcer un peu plus le pouvoir de Faure Gnassingbé, 57 ans, arrivé au sommet de l'État en 2005 porté par l'armée et les caciques de l'ancien régime. Il succéda à son père Gnassingbé Eyadéma qui a tenu le pays d'une main de fer durant 38 ans.

Après 19 années passées au pouvoir, le bilan du « jeune doyen » comme le surnomme ces homologues peine à satisfaire est mitigé. Avec une population de 8 millions d'habitants, 40 % vivent sous le seuil de la pauvreté selon les organisations internationales. Le pays se classe à la 167? place sur 189 dans l'index de développement humain du Pnud.

Dans la nuit du 5 mai 2024, Faure Gnassingbé a promulgué sa nouvelle Constitution instituant le régime parlementaire. Le Togo entre ainsi dans la Ve République. Le chef de l'État ne sera plus élu au suffrage universel. Selon les textes, le pouvoir est désormais entre les mains du président du Conseil des ministres. Dans le pays, les contestations contre le régime de Faure Gnassingbé sont régulièrement réprimées par l'armée. Les opposants sont contraints à l'exil. 

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