NORD-MALI : ALGER DéNONCE LA PRéSENCE DE WAGNER

Dimanche 25 août, à quelques dizaines de mètres de la frontière algérienne, une explosion soulève sable et rocailles en un nuage de poussière et de feu, sous les yeux des gardes-frontières algériens.

D'après l'AFP, au moins quinze civils, « dont de nombreux enfants », ont été tués par des frappes de drones dans le nord du Mali, là où l'armée malienne et ses alliés russes avaient subi, fin juillet, une lourde défaite face aux séparatistes et aux djihadistes. « L'armée de la junte malienne et les mercenaires russes du groupe Wagner [?] ont exécuté plusieurs frappes de drones venus du Burkina Faso à Tinzaouatène (ou Tin Zaouatine), à quelques mètres du territoire algérien », affirmaient à l'AFP les séparatistes qui font état d'un bilan provisoire de 21 civils tués.

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Tensions

De son côté, l'armée malienne a affirmé avoir visé des « cibles terroristes » et tué « une vingtaine d'individus armés ». D'après la même source, « une mission de reconnaissance offensive a permis de repérer et d'identifier des véhicules de type pick-up chargés de matériel de guerre, soigneusement gardés dans la cour d'une concession à Tinzaouatène [?] Après une surveillance minutieuse, une série de frappes ont permis de détruire ces cibles terroristes et de neutraliser une vingtaine d'individus armés ». Sur des images partagées sur les réseaux sociaux, on aperçoit des militaires algériens qui semblent secourir des blessés venus de l'autre côté de la frontière, à quelques dizaines de mètres du territoire algérien.

Dans cette même zone, entre le 25 et le 27 juillet, les éléments du Cadre stratégique pour la défense du peuple de l'Azawad (CSP-DPA, coalition des mouvements rebelles) et des djihadistes avaient affirmé avoir éliminé des dizaines de paramilitaires du groupe Wagner et de soldats maliens.

Ces combats ont mis la crise malienne sur un tout autre axe de conflit. Le 4 août, Bamako rompt ses relations avec? l'Ukraine. Le gouvernement de la junte avait repris les propos d'Andri Ioussov, porte-parole de l'agence ukrainienne de renseignement militaire, « [qui] a avoué l'implication de l'Ukraine dans une attaque lâche, traître et barbare de groupes armés terroristes ayant entraîné la mort d'éléments des Forces de défense et de sécurité maliennes à Tin Zaouatine, ainsi que des dégâts matériels ».

À LIRE AUSSI Mali : « La facture de l'opération avec Wagner sera forcément très élevée » Trois jours plus tard, c'est au tour de Moscou d'accuser Kiev de « soutien aux groupes terroristes ». « Incapable de vaincre la Russie sur le champ de bataille, le régime criminel de Volodymyr Zelensky a décidé d'ouvrir un ?deuxième front'' en Afrique et soutient des groupes terroristes dans des États du continent favorables à Moscou », a alors déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. Le 21 août, le Mali, le Burkina Faso et le Niger avaient appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à « prendre les mesures appropriées » contre l'Ukraine qu'ils accusent de soutenir des groupes rebelles dans le nord du Mali, dans une lettre ouverte.

Ces interférences, ces entrelacements de lignes de fronts chauds ne pouvaient laisser indifférent le voisin algérien qui, déjà, entretient une relation tendue avec Bamako et compte, dans la région, parmi les alliés stratégiques de Moscou.

Au lendemain des frappes par drones, le 26 août, le représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies, Amar Bendjama, a appelé depuis Genève à « mettre un terme aux violations des armées privées utilisées par certains pays ». « Ceux qui ont appuyé sur le bouton, a-t-il déclaré, n'ont de comptes à rendre à aucune partie. » Et de réclamer à l'ONU des sanctions contre les auteurs de ces exactions. « En Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale, nous essayons de trouver une formule concernant ces agissements et les sanctions qui en découleraient », a ajouté le diplomate algérien.

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Alger face aux « mercenaires »

Cette déclaration, peu amène envers Bamako et, surtout, envers l'allié russe, a été complètement élaguée des comptes rendus de la presse algérienne, manière de réduire l'impact d'une telle sortie. Mais ce n'est pas la première fois qu'Alger exprime ses réserves quant à la présence, à ses frontières, du groupe paramilitaire russe, quitte à froisser ses amis à Moscou. La Russie, partenaire stratégique de l'Algérie, est aussi son premier fournisseur en armement.

Fin décembre 2022, le président Abdelmadjid Tebboune, dans une interview au Figaro, avait critiqué en des termes à peine voilés le recours par Bamako à Wagner, estimant que « l'argent que coûte cette présence serait mieux placé et plus utile s'il allait dans le développement du Sahel ». Depuis le printemps dernier, une haute commission algéro-russe a été mise en place, à la demande d'Alger, pour suivre ce dossier sécuritaire. Et ce ne sont pas uniquement les frontières sud qui inquiètent Alger. En janvier dernier, le président algérien avait appelé « faire sortir » de Libye « tous les groupes de mercenaires, quel que soit le nom qu'ils portent ».

Les craintes algériennes quant à l'activisme du groupe paramilitaire privé russe sont accentuées par les risques d'un retour à la « guerre civile » au Mali qui partage avec l'Algérie un peu plus de 1 300 kilomètres de frontières. Alger avait regretté, début 2024, la dénonciation par Bamako des accords d'Alger signé en 2015, cadre fixant le processus de paix, et avait pointé « le recours à des mercenaires internationaux » par les autorités maliennes. À LIRE AUSSI Alger-Bamako : rien ne va plus

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