NON, LE SéNéGAL N’A PAS REJOINT L’OPEP, L’ORGANISATION DES PAYS EXPORTATEURS DE PéTROLE

Le Sénégal est désormais producteur de pétrole après le lancement en juin de l’exploitation du champ de Sangomar au large de Dakar, la capitale. Suite à cette annonce, de nombreux internautes ont affirmé que le pays est nouvellement membre de l’Opep, l’influente organisation mondiale des pays exportateurs, aux côtés de l’Arabie saoudite et du Nigeria. Cette allégation, prétendument justifiée par la récente visite du ministre sénégalais de l'Energie au siège de l’Opep à Vienne, est cependant fausse. Le Sénégal ne fait pas partie de la liste des pays membres. Contactés par l’AFP, l’institution et le gouvernement sénégalais démentent ces affirmations.

“Le Sénégal est officiellement membre de l’OPEP”, se réjouit un internaute sénégalais dans un post Facebook publié le 1er juillet (archivé ici). De multiples publications sur les réseaux sociaux annoncent que le pays rejoint le groupe des 12 États membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).

Il s’agit d’une organisation créée en 1960, aussi connue sous son acronyme en anglais Opec, dont le siège est à Vienne en Autriche et qui vise à "coordonner les politiques pétrolières" de ses membres pour assurer "des prix équitables et stables aux producteurs".

Les publications comportent à chaque fois la photo d’un groupe de sept personnes debout, dont six hommes en costume-cravate (1, 2). 

Derrière eux se dressent plusieurs drapeaux nationaux, surplombés d’une grande affiche bleue où se lit, en anglais, un mot de bienvenue à Birame Soulèye Diop, ministre sénégalais de l'Energie, du pétrole et des mines.

Cette rencontre a lieu le 1er juillet 2024 à Vienne, en Autriche, selon ce qui est mentionné sur le panneau bleu. 

Une recherche sur le compte X (ex-Twitter) du ministère sénégalais du Pétrole confirme que le 1er juillet 2014, "Birame Souleye DIOP Ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines a rencontré le Secrétaire Général de l'OPEP, S.E. Haitham AlGhais, au siège de l’organisation à Vienne."

Cette rencontre coïncide avec la déferlante de publications sur une prétendue entrée du Sénégal au sein de l’Opep.

L’exploitation future des ressources pétrolières et gazières du pays est un sujet très récurrent dans le débat public depuis l’annonce officielle début 1997, de la découverte d'un important gisement de gaz.

“Le membership de l’OPEP a une dimension politique”, explique Benjamin Augé, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri). C’est pourquoi, explique-t-il, le Congo a par exemple beaucoup œuvré pour intégrer l’organisation en 2018, dans une logique d’accès aux grandes monarchies du Golfe. 

"Cela permet aussi d'envisager, du point de vue des pays africains, d'avoir accès à des fonds des monarchies pétrolières - ce qui se matérialise pas forcément", note cet expert dont les recherches sont centrées sur la gouvernance des secteurs pétrolier, gazier et électrique dans les pays africains.

Les membres de l’Opep sont alliés depuis fin 2016 à dix autres pays pétroliers - la Russie, le Mexique, le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, le Bahreïn, Brunei, la Malaisie, Oman, le Soudan et le Soudan du sud - via une "charte de coopération" communément appelée "Opep+".

L'Opep, menée par l'Arabie saoudite, représente le tiers de la production de brut mondiale.

Mais la rumeur qui circule est fausse : le Sénégal n’est pas membre de l’Opep.

"Les échanges suivent leur cours"

Les premiers posts erronés sont apparus le 1er juillet, date de la rencontre de Vienne. Deux jours après, le site internet du Bureau d’information gouvernementale (BIG) a aussi affirmé que le Sénégal avait rejoint l’Opep avant de se rétracter peu de temps après (article archivé ici).

Le Sénégal n'apparaît pas sur la liste officielle de membres de l’Opep ni dans celle de ses alliés de l’accord Opep+ 

Contacté le 9 juillet par l’AFP, le porte-parole de l’Opep dément l’entrée du Sénégal au sein de l’organisation. Il dément aussi une rumeur sur un prétendu statut de "membre observateur" conféré au pays.

“Comme vous pouvez le constater, il n’y a aucune mention dans aucun communiqué de presse sur nos sites”, souligne à l’AFP le porte-parole de l’Opep. 

Le ministère sénégalais de l’Energie a confirmé à l’AFP que le Sénégal ne fait pas partie de l’Opep. 

“Nous ne sommes pas encore membre de l’organisation. Le processus et les échanges suivent leur cours”, a réagi le 9 juillet, Anta Diack, porte-parole du ministère sénégalais de l’Energie.

L’Opep, fondée en Irak en 1960 et menée par l'Arabie saoudite, compte au total 12 membres depuis le retrait de l’Angola l’an dernier.

Forum des pays exportateurs de gaz

Le Sénégal pourrait-il intégrer l’Opep ? Selon Benjamin Augé, cela est peu probable compte tenu de son faible volume de production. Le Sénégal vise 10.000 barils par jour, contre 600.000 barils/jour pour l’Egypte qui, par exemple, n’en est pas membre. 

"Il faut produire un volume de pétrole significatif pour être membre de l’OPEP, même si les statuts de l’institution ne fixent pas de production minimale," explique Benjamin Augé. "Si cela arrive, ce serait une décision inédite de l’OPEP depuis sa création en 1960."

Si l'entrée du Sénégal à l’Opep ne semble pas à l’ordre du jour, le pays est en revanche membre observateur du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), surnommée l’Opep de l’Afrique. 

Mais, clarifie Benjamin Augé, "le GECF n’aura jamais le même pouvoir ni la même influence que l’OPEP. Il n’a aucune capacité d'agir sur le volume de production et les prix du gaz, contrairement à l'OPEP avec le pétrole. Avec la mise en place de quotas de production pour ses membres, l’OPEP a une réelle influence."

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