FRAISES MAROCAINES : LE PROTECTIONNISME ESPAGNOL DES PRODUCTEURS

Le secteur agricole espagnol est en ébullition, et pour cause : les producteurs de fraises, en particulier ceux de la région andalouse, exigent la mise en place de droits de douane sur les importations de fraises marocaines. Cette demande intervient alors même que, paradoxalement, ces mêmes producteurs comptent chaque année sur la main-d’œuvre marocaine pour la récolte de leurs précieuses baies.

Protectionnisme sélectif

Un mélange de protectionnisme économique et de dépendance migratoire qui, au-delà des apparences, reflète une réalité complexe et révélatrice des contradictions de l’agriculture européenne. Les agriculteurs espagnols, principalement basés en Andalousie, font face à une concurrence croissante des producteurs marocains, dont les fraises, grâce à des coûts de production plus bas, parviennent à envahir les marchés européens à des prix défiant toute concurrence.

Face à cette situation, les producteurs espagnols réclament des droits de douane sur ces fraises marocaines, arguant que sans cette mesure protectionniste, leur secteur pourrait gravement être menacé, si l’on s’en tient au journal espagnol  » La Razon ». Mais, leurs revendications se heurtent cependant à la réalité des accords commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc, qui visent à favoriser le libre-échange tout en soutenant les secteurs économiques des pays en développement.

Pour les agriculteurs espagnols, l’introduction de ces droits de douane serait un moyen de rééquilibrer la balance et de protéger un secteur crucial de l’économie andalouse. Cependant, cette position soulève des questions : pourquoi vouloir ériger des barrières commerciales contre un pays qui fournit une main-d’œuvre indispensable à la récolte même de ces fraises ? Il est difficile d’ignorer l’ironie qui sous-tend cette demande de protectionnisme, venant de ceux qui tirent profit des mêmes acteurs qu’ils cherchent à éloigner du marché.

La dépendance paradoxale à la main-d’œuvre marocaine

Chaque année, des milliers de travailleurs saisonniers marocains, en majorité des femmes, traversent la Méditerranée pour rejoindre les champs de fraises espagnols. Leur rôle est crucial dans la chaîne de production : sans eux, les fraises resteraient sur les plants, pourrissant sous le soleil andalou. Cette main-d’œuvre bon marché permet aux producteurs espagnols de maintenir une rentabilité qu’ils ne pourraient atteindre en employant des travailleurs locaux, plus coûteux et moins enclins à accepter des conditions de travail souvent difficiles.

Cette dépendance à la main-d’œuvre marocaine, que certains qualifient même d’exploitation déguisée, met en lumière un autre paradoxe. Les mêmes fraises récoltées par les Marocains sur le sol espagnol sont ensuite mises en concurrence avec celles produites au Maroc, créant une double pression sur les agriculteurs espagnols : d’une part, ils dépendent des Marocains pour récolter leurs fruits, d’autre part, ils voient leur propre production menacée par les importations en provenance de l’autre côté du détroit de Gibraltar.

Equilibre fragile à l’ère du libre-échange

La situation met en lumière les tensions inhérentes à la mondialisation et au libre-échange. D’un côté, les agriculteurs espagnols sont confrontés à la dure réalité de la concurrence internationale, où les coûts de production plus faibles au Maroc leur donnent un avantage certain sur le marché européen. De l’autre, ils se retrouvent dans une position où leur propre modèle économique repose sur l’exploitation de travailleurs étrangers, créant ainsi un système de dépendance paradoxal.

L’appel à des droits de douane, bien qu’il puisse offrir un répit temporaire aux agriculteurs espagnols, risque de déclencher une réaction en chaîne aux conséquences imprévisibles. Imposer des droits de douane pourrait inciter le Maroc à réviser les accords de main-d’œuvre saisonnière, privant ainsi l’Espagne de la main-d’œuvre nécessaire pour récolter ses fraises. De plus, cela pourrait créer des tensions diplomatiques entre le Maroc et l’Union européenne, mettant en péril d’autres aspects des relations bilatérales.

Tentation de la fermeture

Face à ce dilemme, la tentation de recourir au protectionnisme est forte, mais elle reste une solution de court terme qui ne s’attaque pas aux racines du problème. Ce que les producteurs espagnols doivent comprendre, c’est que leur survie à long terme dépendra non pas de l’érection de nouvelles barrières, mais d’une adaptation à un marché de plus en plus globalisé, où les coûts de production, la qualité et la flexibilité sont les maîtres-mots.

Pour l’heure, l’appel à des droits de douane sur les fraises marocaines semble davantage être le reflet d’un malaise plus profond au sein de l’agriculture espagnole, une agriculture coincée entre la nécessité de s’adapter à un marché globalisé et la tentation de se refermer sur elle-même, au risque de se priver des ressources humaines qui lui sont indispensables. Le véritable défi pour les agriculteurs espagnols sera de trouver un équilibre, de redéfinir leur modèle économique pour qu’il soit directement compétitif et équitable, tout en maintenant les relations essentielles qui leur permettent de prospérer.

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