FAB: ECHANGE ET PARTAGE AUTOUR DE L'ISLAM DEPUIS L'AFRIQUE

Dans un carrefour intellectuel vibrant de Salé, la Fondation Abderrahim Bouabid (FAB) et l’Institut français au Maroc ont organisé jeudi soir une soirée-débat de réflexion captivante sur le thème « Penser l’islam depuis l’Afrique« . Des esprits éminents, penseurs, historiens, ou encore politiciens, ont convergé pour cette soirée culturelle au siège de la Fondation. 

Initiée en collaboration avec le Centre Jacques Berque (CJB), l’Institut Fondamental d’Afrique Noire à Dakar (IFAN), l’Université Internationale de Rabat (UIR) et l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales à Paris (INALC), la première table baptisée « Penser l’Islam depuis l’Afrique: quelle contribution des penseurs africains de l’Islam à l’échelle internationale? » a été marquée par la participation de Youssouf Sangaré, Amadou Hamidou Diallo, Penda Mbow et Youssef Bilal qui ont discuté de la visibilité et l’invisibilité des penseurs africains de l’Islam dans le monde musulman et leur valeur intellectuelle et théologique.

En présence notamment du ministre des Affaires islamiques, Ahmed Taoufik, de l’ancien ministre des Finances, Fathallah Oualalou, l’écrivain et politique marocain amazigh, Ahmed Assid, le président de la FAB, Mohammed Al-Ashari, a ouvert le bal avec un discours où il a d’abord félicité les Sénégalais présent pour l’accomplissement démocratique observé dans leur pays avant de dénoncer les événements tragiques qui se déroule à Gaza. Il s’est par la suite penché sur la contribution de la FAB à ce cycle de table ronde et de débat en Afrique.

 » A la Fondation Abderrahim Bouabid, nous croyons en l’importance du rôle que le Maroc a joué depuis des siècles dans la construction de l’expérience de l’islam africain à travers ses caravanes commerciales, ses érudits, ses zaouïas et ses écoles, non seulement d’un point de vue dogmatique et méthodologique, mais surtout d’un point de vue culturel et intellectuel. Deuxièmement, nous croyons que notre région, tout comme d’autres régions du Moyen-Orient, d’Asie et d’ailleurs, a développé au fil des siècles sa propre perspective de l’islam, et elle souhaite discuter cette perspective, la soumettre à des études comparatives, à des recherches théoriques et de terrain, car elle n’accepte plus aujourd’hui que son islam, enraciné sur le continent depuis des siècles, soit perpétuellement considéré comme un islam importé« , a exprimé le président de la FAB.

Al-Ashari a souligné que les dernières décennies ont été marquées par une compétition intense entre différents courants au sein de l’islam, chacun cherchant à influencer les domaines religieux. Ces courants, souvent issus d’expériences spécifiques liées à la géographie, à la langue, à l’histoire et à la culture, tendent à considérer leur propre interprétation religieuse comme la seule valable à l’échelle mondiale, a-t-il estimé.

Cependant, il a précisé que les communautés qui ont adopté l’islam n’ont cessé d’innover et de résister aux tentatives d’uniformisation imposées par certains de ces courants. Il a soulevé le fait que certains courants ont trouvé des opportunités dans sa structure juridique et politique, tandis que d’autres ont adopté l’islam politique avec leurs propres interprétations et visions.

Dans cet optique, Al-Ashari a estimé qu’il est important de promouvoir une « perspective particulière » à travers un débat ouvert et intellectuel, contribuant ainsi à la construction d’une « modernité islamique » qui respecte les principes de l’islam tout en valorisant le dialogue des expériences et leur enrichissement civilisationnel. Cet esprit, a-t-il poursuivi, « guide notre volonté d’écouter les penseurs issus de divers horizons, dans le but d’enrichir notre compréhension commune de l’islam en nous inspirant des expériences spécifiques de nos peuples et de l’évolution historique de leur islam enraciné ».

De son côté, Ahmed Taoufik, ministre des Affaires islamiques qui a participé à cette soirée débat, a abordé plusieurs aspects historiques et contemporains de l’Islam en Afrique en rappelant l’importance des échanges humains et culturels entre le Maghreb et le sud du Sahara depuis la préhistoire jusqu’au moyen âge, soulignant la présence subsaharienne au Maroc comme un socle de ces échanges, notant que l’Islam a été un vecteur de libération des esclaves, offrant des possibilités d’ascension sociale aux personnes de couleur par le biais de divers supports, notamment le soufisme.

« A l’aune de cette confirmation, la présence humaine subsaharienne au Maroc constitue un des socles de ces échanges. Le géographe andalou al-Bakri du onzième siècle parle d’un groupe humain noir qui occupait une partie de la plaine du Gharb au nord de Rabat. Ce milieu marécageux, infecte, était hostile aux populations blanches du nord. L’importance de cette présence de l’élément noir peut être déduite du fait que les habitants de couleur blanche se sont donnés le nom Imazighen, les blancs, en contraste avec Idalan, les noirs. Ceci n’exclut point l’autre version qui dit que le mot Imazighen veut dire hommes libres, peut-être parce que seuls les noirs étaient passibles d’être asservis« , a exprimé le ministre dans son discours, soulignant que cette réflexion reflète ses préoccupations et angles d’intérêt personnel.

Dans son discours, Ahmed Taoufik a également mis en lumière les défis contemporains auxquels font face les pays africains, notamment l’émergence du rigorisme dogmatique islamiste et ses implications sur les traditions soufies en Afrique. L’importance des choix doctrinaux du Maroc, tels que l’ash’arisme, le malikisme et le soufisme, est soulignée comme fondamentale pour maintenir la stabilité religieuse et sociale. Le ministre a même rappelé que le Maroc prend des initiatives pour renforcer la solidarité avec les pays africains en accueillant des étudiants et en établissant des fondations pour la formation des imams et des théologiens africains.

« Pour rencontrer cette exigence le Maroc a pris dans un élan purement spontané deux initiatives, l’accueil des étudiants des pays africains à l’Institut Mohammed VI pour la formation des Imams et des instructrices, et la Fondation Mohammed VI pour les Ulama Africains. Les lauréats subsahariens dudit Institut comptent aujourd’hui quelques 3.200 imams. Et les branches de la Fondation se trouvent dans quarante-huit pays africains. Un comité élu par la Fondation a élaboré sous la présidence du Professeur Burkinabé, Aboubaker Doukouri, un manuel de référence dit  » le Pacte des théologiens africains« , a-t-il indiqué.

En outre, le ministre a souligné que le défi Salafite n’étant pas le seul, la stabilité religieuse des pays d’Afrique se trouve menacée par les convoitises de pays étrangers, musulmans et autres, qui envoient leurs activistes faire du recrutement et acheter l’adhésion sans se soucier des retombées de leurs perturbations sur le tissu politique, social et culturel de ces pays.

« Pour Al-Ash’aari, un théologien du début du quatrième siècle de l’hégire, et pour attester de sa foi, il suffit d’une profession, c’est-à-dire d’une déclaration. Il en découle qu’un musulman ne peut jamais demander des comptes à un autre au sujet de sa foi, tandis que les adversaires théologiques d’Al-Ashaari exigent des actes et autorisent l’excommunication (takfir) des gens qui manquent aux pratiques recommandées. C’est là l’assise doctrinale du terrorisme de nos jours jusqu’à la moitié du vingtième siècle. Plus de 90 % des musulmans étaient d’obédience ash’aarite, mais le salafisme rigoureux, qui a une position contraire à l’ashaarisme, a pu gagner du terrain dans un contexte bien précis« , a-t-il expliqué.

Pour conclure, le ministre a tenu à préciser que « l’ash’arisme en dogme, le malikisme en rite, et le soufisme en éducation spirituelle sont les choix fondamentaux du Maroc depuis les débuts de son histoire dans l’islam. Ces fondamentaux sont partagés avec les pays africains ; ce fait exige et impose une solidarité commune dans la protection et la sauvegarde de ce référentiel nécessaire avant tout à la pratique sereine de la religion, à la paix publique et à la quiétude dans la vie des gens ».

Après ces deux discours, Youssouf Sangaré, Amadou Hamidou Diallo, Penda Mbow et Youssef Bilal ont abordé plusieurs questions dont l’apport de l’Afrique comme continent et comme espace religieux musulman au savoir sur l’Islam ainsi que la patrimonialisation des savoirs africains sur l’Islam et leur circulation dans les centres de formation africains et hors d’Afrique, et dans les débats et échanges au sein de la communauté des savants en islam.

Selon les organisateurs, cette rencontre inaugure un cycle de débat d’idées régional autour de l’Islam et les sociétés, organisé avec le soutien de l’Institut français.

La deuxième étape, qui se déroulera en octobre prochain au Sénégal, sera consacrée à la réflexion entre l’Islam et ses approches féministes. Un projet qui permettra d’explorer et d’interroger de manière comparative et pluridisciplinaire la pensée et les pratiques de l’Islam, ainsi que sa place dans les sociétés.

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